24 août 2015

Exoplanète WASP-80b

Ca faisait déjà quelques années que je voulais mesurer un transit exoplanétaire avec le télescope de Geotopia, mais j'avais besoin de cumuler un bon ciel, quelques heures de dispo à l'observatoire, aucun souci technique et un transit pas trop compliqué à la bonne heure.

L'Exoplanet Transit Database donne toutes les informations sur les transits disponibles à toute heure et en tout point sur Terre et je surveillais depuis quelques semaines déjà l'opportunité d'y aller.
Même si l'observatoire permet en théorie d'aller chercher des transits de quelques milli-magnitudes, je voulais faire le premier test sur un transit profond.

Mes précédents transits avaient été réalisés au 150/750 + APN Canon EOS 1000D et ne pouvaient, de toutes façons rien faire d'autre que des transits profonds.

J'ai jeté mon dévolu sur une exoplanète récemment découverte (2013) : WASP-80b.
C'est une planète de la taille de Jupiter, pour une masse 2 fois moindre.
Mise à côté des planètes de notre système solaire, ça donne ceci :

MercureMarsVenusTerreNeptune Uranus SaturneJupiterWASP-80 b
Adaptation de la source : http://www.openexoplanetcatalogue.com/planet/WASP-80%20b/

Elle tourne autour de son étoile en un peu plus de 3 jours, ce qui la classe dans la catégorie des Jupiter dîtes "chaudes". Elle est très proche de son étoile.
Sa température de surface, de près de 600 K, est bien différente de celle de notre Jupiter (110 K).

5 personnes s'étaient déjà amusées à mesurer son transit et vu leur config, ça devait passer les doigts dans le nez !

Pour me motiver encore un peu plus à y aller, j'avais même annoncé sur Twitter que je ferai un live-tweet de ma nuit à l'observatoire sous le hashtag #MaNuitALObservatoire.
J'en ai profité pour réaliser mon premier Storify. L'histoire de la soirée est donc disponible ici.
Finalement c'est un peu long de live-tweeter quand on n'est pas que spectateur, il ne faudrait pas oublier qu'il y a des manips à faire pendant la soirée pour que le transit puisse être observé :-)


Finalement, le plus important dans tout ça, c'est quand même le résultat. Lors du live-tweet, les courbes que je publiais n'étaient que des mesures faites rapidement sur les images brutes, non pré-traitées. Elles étaient donc scientifiquement fausses, mais donnaient une idée de ce que serait le résultat final.

L'Exoplanet Transit Database permet, lors du transfert des données, de faire un fit (ajustement à une courbe) de mes données. Ca permet de constater que le profil de transit est bien présent.
Mon incertitude de mesure, mesurée sur une étoile dîte "de test", était de 0.007 magnitude. Pour une profondeur de transit théorique de 0.031 magnitude, c'était tout à fait adapté. J'ai manqué de temps pour essayer de faire mieux.


Sur toute la période de mesure, je m'éloigne en moyenne de 0.0047 magnitude de la courbe théorique de ce transit. Mes données sont finalement assez peu dispersées. C'est ce qu'indique le graphe ci-dessous :


Au passage, le trou observé dans la courbe correspond au moment de la panne indiquée dans le Storify. Pendant une vingtaine de minutes, je n'ai pas pu prendre de mesures. Heureusement, ce trou n'empêche pas d'apprécier la forme globale de la courbe.

La courbe ci-dessous donne l'O-C en fonction du temps. Kézako ?
L'O-C (Observé moins Calculé) permet de montrer dans quelle proportion une mesure (O) s'éloigne de la théorie (C). L'évolution de cette valeur au cours du temps peut traduire la présence d'une autre planète, agissant gravitationnellement sur celle-ci. Ma mesure est en bleu, celles des autres astronomes amateurs en rouge. On ne peut pas tirer grand chose de ce graphe pour l'instant.


La courbe ci-dessous donne la variation de la durée du transit au cours du temps. Idem, si cette valeur varie au fil des années, ça peut traduire la présence de "quelque chose" qui perturbe la planète. Ici je suis proche de la valeur théorique. Pas grand chose à en tirer pour l'instant.


Là où ça devient intéressant, et où la collaboration des amateurs prend tout son sens, c'est quand les observations s'éloignent de la théorie comme c'est le cas avec le graphe qui donne la profondeur du transit en fonction du temps. La théorie prévoit 0.031 magnitude. Manifestement depuis un an, nous observons environ 0.043 magnitude, soit 40% de plus !


Dans l'étude annonçant la découverte de WASP-80b, les astronomes avaient mesuré une profondeur de transit de 0.029 (plus ou moins 0.010) magnitude. On est clairement en dehors des clous depuis 1 an. Que s'est-il passé pour que ce transit ait gagné 40% de profondeur ? Voilà un "mystère" à éclaircir. Et pas de miracle, il va falloir étoffer la base d'observations pour tenter d'y comprendre quelque chose.




2 commentaires:

  1. Bravo pour ce transit et cet article Emmanuel.
    J'ai moi-même réalisé mon premier transit d'exoplanète (Wasp-2b) la nuit précédente (nuit du 21 au 22 août). Merci pour les informations sur les courbes, j'avais du mal à les interpréter, c'est désormais limpide.

    Bonne continuation !

    Nicolas Kizilian

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    1. Merci Nicolas et bravo pour ton premier transit. Il est toujours spécial celui-là.
      WASP-2 est équivalente à WASP-80. Même magnitude, même petite étoile voisine qui complique la photométrie, et même région du ciel.
      Je vois que l'ETD ne l'a pas encore publiée... Stanislav doit être en vacances.

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