16 avril 2020

Un peu de poésie


Depuis 2 jours, la Lune donne rendez-vous au trio de planètes Mars-Saturne-Jupiter dans le ciel du matin, entre 05h30 et 06h00. L'occasion pour moi d'immortaliser la scène, avec également un petit poème pour inviter tout-un-chacun à regarder plus souvent par la fenêtre.




Ce Jeudi 16 Avril, quand la planète Mars
Se leva timidement au dessus de la Lune
Elle était avec ses deux comparses
La grande Jupiter et la belle Saturne

Tellement lointaines et ici tellement proches
C'est ce qu'on appelle une conjonction
Elle se tiennent dans un mouchoir de poche
Comme un pied de nez à l'actuelle distanciation

Beaucoup plus loin encore il y a des étoiles
Qui semblent pourtant être juste à côté
Elles complètent ce ballet matinal
D'astres tous ensemble, et pourtant confinés

Pour lutter contre le confinement
Il suffit de regarder par la fenêtre
Dehors il y a tout le firmament
Pour se balader sur des milliards de kilomètres



Une version annotée, avec les distances en jeu :



Il y a 2 jours, la Lune était beaucoup plus à l'Ouest. La vue était aussi très sympathique.


10 avril 2020

Bepi Colombo - Earth flyby - Mes images


Passage de Bepi Colombo à 12700km de la Terre (c) Heavens Above

Ce Vendredi 10 Avril 2020 vers 04h30 UTC (06h30 heure locale française), la sonde Bepi Colombo (ESA & JAXA) est revenue du côté de la Terre pour profiter d'un effet de fronde gravitationnelle afin de pouvoir atteindre Mercure dans quelques années. Ce passage était assez proche (~12700km) et était observable dans de bonnes conditions depuis une bonne partie de l'hémisphère Sud.

Mais comme je suis joueur, et que j'ai vu que depuis le Nord de la France la sonde passait quand même à 3° au dessus de l'horizon, je me suis dit qu'après tout l'adage "Qui ne tente rien n'a rien" s'appliquait parfaitement à la situation. Après tout, j'avais gardé un bon souvenir du survol de la sonde Juno, en 2013, et j'aime bien collectionner les bons souvenirs.

Position de Bepi Colombo dans le ciel
entre 05h50 et 06h00 depuis mon domicile
Pour être honnête, 3° c'est super bas pour une observation astronomique. Je n'avais jamais tenté cela.
Mais mon observation réussie Lundi dernier d'une étoile de magnitude 10 avec des poses de seulement 150ms à une hauteur de 10° me laissait entrevoir qu'avec des poses plus longues, quelque chose pouvait se tenter à 3° de hauteur.
Différence majeure entre les 2 observations : la pollution lumineuse dans la direction Sud-Est.

Trajectoire de Bepi Colombo entre les cables électriques et la cabane de jardin

Effectivement, après quelques tests entre 05h00 et 05h30 avec l'APN ou la ZWO ASI 120MM, je devais me résoudre à abandonner l'observation depuis mon jardin. Beaucoup trop de pollution lumineuse à l'horizon :-(
Je n'atteignais pas la magnitude 6 sans faire monter le fond de ciel à des niveaux inacceptables.

Mais j'avais prévu plusieurs plans pour voir passer Bepi Colombo. Il me restait la possibilité d'observer en remote depuis des sites bien plus au Sud, notamment avec les télescopes de Slooh aux Canaries et au Chili.
Manque de chance aux Canaries, Bepi Colombo ne s'élevait guère plus haut que 25° dans le ciel, et les télescopes ne pointent pas aussi bas.
Par contre au Chili, c'était royal.


Royal ... enfin presque. Avec la limitation à 25° de hauteur pour le pointage des 2 télescopes de Slooh au Chili, je ne pouvais pas commencer les observations avant 06h30 (heure locale française).
A cause de la présence de la Lune sur la trajectoire de la sonde, je ne pouvais plus observer après 06h35. A partir de 07h00, après que la sonde se soit écartée de la Lune, elle faisait son entrée dans l'ombre de la Terre, rendant impossible son observation.

Donc finalement je n'ai pu l'observer qu'entre 06h30 et 06h35 (heure locale française), mais ça a suffi pour en obtenir 2 images avec 2 télescopes différents.
Ne pouvant maîtriser l'heure précise de démarrage des poses, j'ai fait une mini rafale sur une zone de passage de la sonde avec les télescopes C1 et C2 de Slooh, et attendu qu'elle passe. On repère des étoiles en commun sur les 2 images ci-dessous :

Passage de la sonde Bepi Colombo - (c) Emmanuel Conseil with Slooh C1 telescope

Passage de la sonde Bepi Colombo - (c) Emmanuel Conseil with Slooh C2 telescope
Pour information, l'ESA recueille toutes les images faites lors de ce survol depuis le sol sur un compte Flickr dédié à cette adresse : https://www.flickr.com/groups/bepicolomboearthflyby/pool/


Restera à lui faire coucou les prochains soirs, mais elle sera déjà beaucoup plus loin et beaucoup moins brillante.

8 avril 2020

Cache-cache avec les astéroïdes

Exemple de résultat que l'on peut obtenir
avec l'observation d'une occultation astéroïdale



Il y a tout un tas d'astéroïdes qui se baladent en permanence dans l'espace, et que l'on peut observer au travers de nos télescopes. J'en ai mis quelques-uns sur mon blog ici, mais il pourrait y en avoir tout plein d'autres.
En se baladant dans le ciel, il arrive que des astéroïdes passent pile poil (mais alors piiiiiiile poil) entre nous et une étoile en arrière plan. Dans ce cas-là, on observe ce qu'on appelle une occultation.
Si l'astéroïde est beaucoup moins brillant que l'étoile, on voit carrément l'étoile disparaître pendant une fraction de secondes.

Avec la Lune, ça arrive tout le temps, puisque sa taille apparente dans le ciel est assez conséquente. Mais les astéroïdes ont une taille apparente touuuuuute petite, et les étoiles également, si pas davantage.

Ce 05 Avril, j'en avais épinglé deux sur mon agenda : (1719) Jens et (3259) Brownlee.

(1719) Jens


Cet astéroïde de la ceinture principale occultait une étoile de la constellation du Corbeau un peu après minuit. La bande de totalité de l'occultation est présentée ci-dessous. A cette échelle, on ne voit pas bien les incertitudes de position du passage de l'ombre de (1719) Jens. Mon domicile était dans ce qu'on appelle "la zone à 1 sigma", une zone dans laquelle la probabilité de voir l'éclipse est de 66.67%.


L'étoile visée, nommée HIP 62183, est une petite étoile de magnitude 9 à proximité de l'étoile Bêta Corvi (la grosse qui brille ci-dessous) :


Matériel utilisé :

  • PC sous Windows 10 ;
  • Logiciel Meinberg NTP pour la synchronisation du temps ;
  • Télescope Célestron omni XLT 150/750 ;
  • Caméra ZWO ASI 120MM pour la prise de vue en vidéo, poses de 100ms ;
  • Logiciel SharpCap v3.2 pour la capture des images de la caméra + incrustation du temps sur les images ;
  • Logiciel OccultWatcher v4.6.0.6 pour les prévisions et la synchro avec les autres observateurs ;
  • Logiciel Tangra v3.6 pour le traitement des résultats.
Durée maximale de l'éclipse si je suis en plein centre de la bande d'occultation : 1.3 seconde.

A noter que dans le Journal for Occultation Astronomy sorti hier, les tests sur différents logiciels de synchronisation temporelle des PCs donnent un avantage certain à Meinberg NTP sous Windows 10. Tous les détails sont dans l'article, à partir de la page 10.

Le logiciel Tangra permet, en choisissant l'étoile occultée (cyan), et des étoiles de comparaison (vert, jaune, rose), de parcourir l'ensemble des images de la vidéo pour en extraire une courbe photométrique.


Et la courbe a donné ceci :


Pendant les 4 minutes d'observation centrées sur l'heure prévue d'occultation (22h33m53s UT dans mon cas), la courbe cyan reste plate, au bruit près. A aucun moment l'étoile ne disparaît. Ce qui permet de dire que l'astéroïde n'est pas passé devant l'étoile.
Sur les 16 observateurs européens déclarés pour cette observation, un seul a remonté une observation positive pour l'instant. L'astéroïde a bien été "attrapé", c'est là l'essentiel.
Ne pas oublier que dans ce domaine, ne pas observer d'occultation est une information importante. Cela permet de contraindre la position réelle de l'astéroïde dans le ciel. Ce n'est donc pas une mauvaise nouvelle en soi.

Petite note supplémentaire : pourquoi ai-je observé 2 minutes avant l'heure prévue et 2 minutes après alors que l'erreur donnée sur la date d'occultation était de 4 secondes ?
Sur ce genre d'observation, observer en avance et en retard permet d'attraper des "lunes" d'astéroïdes, ou encore mieux, des anneaux (comme dans le cas de Chariklo ou Hauméa). Si ils existent et que la configuration spatiale le permet, ils seront observés un peu avant ou un peu après le passage de l'astéroïde. C'est donc une précaution qu'il vaut mieux prendre. Ca ne coûte pas grand chose, et ça peut rapporter gros.


(3259) Brownlee

Un peu plus tard dans la nuit, un autre astéroïde allait passer devant une étoile, cette fois-ci un poil moins brillante (magnitude 10), dans la constellation du Petit Chien et près de l'étoile Procyon.
La zone de visibilité de l'occultation était une bande partant des Etats-Unis (mais en pleine journée), traversant le Canada et le Québec (observation possible en début de nuit) et à l'extrême Ouest de l'Europe.
Dans cette configuration, l'étoile visée se trouvait à moins de 10 degrés de hauteur dans le ciel, rendant l'observation délicate à cause de la forte masse d'air.




L'étoile visée, nommée TYC 176-00688-1, est une petite étoile de magnitude 10 à proximité de l'étoile Procyon (la grosse qui brille ci-dessous) :


Matériel utilisé : le même que précédemment, avec des poses de 150ms.
Durée maximale de l'éclipse si je suis en plein centre de la bande d'occultation : 1.9 seconde.

Pour la réduction photométrique dans Tangra, j'ai utilisé comme référence les deux étoiles les plus brillantes de mon champ. Mais mon étoile cible, avec des poses de 150ms ne présentait pas beaucoup de signal. J'aurais dû poser un poil plus, au détriment de l'échantillonnage temporel certes, mais ça aurait été mieux.


Et la courbe a donné ceci :


L'étoile cible est toujours représentée par la courbe cyan, et ne montre pas d'éclipse. Comme dans le cas précédent, c'est une information utile à remonter aux astronomes relais des observations d'occultations en Europe.


18 observateurs se sont déclarés pour l'observation de l'occultation par (1719) Jens entre le Royaume-Uni et l'Adriatique, et 3 observateurs seulement pour l'observation de l'occultation par (3259) Brownlee. Aucun observateur de l'autre côté de l'Atlantique pour cette dernière.


Les résultats finaux correspondant aux observations positives et négatives de tous les observateurs arriveront dans les prochains jours, quand toutes les observations auront été collectées.

Au final, à cette partie de cache-cache, cette fois-ci ce sont les astéroïdes qui ont gagné ;-)